Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Le 2 mars à 14h30 et 19h et le 3 mars à 19h - La Fonderie (Le Mans)
Requiem – installation lumineuse - Tours – Festival Rayons Frais, Juillet 2005
Travail de commande initié par l’association Eternal Network (Anastasia Makridou-Bretonneau) pour le festival Rayons Frais, Requiem associait la modification temporaire des éclairages de bâtiments publics de la ville de Tours à un travail sonore diffusé dans le centre ville via un réseau de haut-parleurs. Pendant le festival, les éclairages de la Bibliothèque municipale, du Palais de Justice, de l’Hôtel de ville et de la place du Palais ont été modifiés.
Invité à proposer une installation lumière pour le centre-ville, j’ai joué à prendre le contre-pied du rôle habituellement dévolu à l’éclairage public sur les bâtiments officiels et patrimoniaux. J’ai élaboré un éclairage en creux, anti évènementiel, introduisant un manque discret et trouant quelques-unes des architectures symboliques de la ville en coupant certain éclairages, en réduisant drastiquement les intensités et en lissant les colorations.
En m’appuyant exclusivement sur les installations existantes, en couvrant les projecteurs avec des gélatines grises et des filtres destructeurs de spectres, en coupant certaines lumières de façade, j’ai joué sur l’effacement des architectures, l’impression d’une panne et d’un délabrement général. Cette installation prenait place entre le 13 et le 15 juillet. Elle était volontairement conçue comme une anti proposition aux manifestations lumineuses et sonores de cette période de célébration nationale. L’installation prenait vie une fois la nuit tombée.
J'ai travaillé sur l'axe nord-sud, qui relie le Palais de Justice et l'Hôtel de Ville à la Bibliothèque et aux bords de Loire par une importante artère commerçante désertée la nuit. Ces deux pôles étaient reliés par une diffusion sonore nocturne émise tout le long de la rue.
Le péristyle du palais de justice est habituellement éclairé toutes les nuits. C’est la seule architecture de cette ville dont la lumière sert de veille nocturne permanente. Son aspect de temple romain immaculé et la lumière sodium excessive disent combien cette institution ne s’est pas débarrassée des mythes qui entourent l’exercice de la Vérité. J'ai conservé un unique projecteur, gélatiné gris-jaune et diffusé, pour défaire la sévérité du bâti.
L’hôtel de ville habituellement suréclairé inspire l’idée d’une cité forte et faste, riche de la proximité du patrimoine de la Touraine. J’ai choisi de l’éteindre complètement. Les fontaines lui faisant face, normalement colorées par des jeux de lumières tricolores ont été éteintes et couvertes de bâches translucides.
La Bibliothèque municipale, née de l’architecture de l’après-guerre, oppose paradoxalement à la liberté d’accès au savoir, une architecture lumineuse rigide et close, "stalinienne". Elle est entourée à l’Ouest par une fontaine érigée en hommage aux morts français de la seconde guerre mondiale et à l’Est par un monument en hommage aux soldats américains. J’ai dégradé la lumière de la façade nord-est au moyen de gélatines brunes et grises, faisant disparaître la majeure partie du bâti et donnant au reste l’aspect d’une architecture brûlée et j'ai conservé le seul l’éclairage de l’escalier Sud. Ce travail accentuait l’aspect funéraire du bâti dont la disparition se reflétait dans la Loire qui coule en dessous. J'ai également gélatiné en gris tous les lampadaires de la place donnant sur le monument aux morts français - la fontaine dorée surmontée d'un indien en hommage aux morts américains étant interdite d'accès (micro-territoire sous contrôle américain).
L’intégralité des lampadaires de la place du palais ont été couverts de gélatine grise, achevant de donner au lieu un calme et une suspension que les villes ne connaissent plus la nuit.
Les haut-parleurs de la rue centrale et commerçante servent généralement à diffuser des messages publicitaires et des musiques variées en fonction des foires commerciales de saison. Ils ont été utilisés à la tombée du jour et pendant la nuit pour diffuser des sons plus abstraits, fondus dans le paysage sonore urbain : souffles, craquements, accordages d’instruments, voix perdues, hymnes étrangers, fragments musicaux, extraits de films, bruits de manifestations..., sons fantômes, hommage à la disparition.
Au-delà de l’apparente irrévérence, il s’agissait de parler d’invisibilité, mais aussi de la tristesse d’une époque, d'une fin de partie, d’une fête qui n’a pas lieu et dont les artistes ne peuvent pas être les seuls émissaires.
 Le Requiem, la messe des morts, me paraissant la seule référence musicale valable.