Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Le 2 mars à 14h30 et 19h et le 3 mars à 19h - La Fonderie (Le Mans)
http://www.p-o-s.org - 2001
Site Internet initié par ProtaTTrioreau, Bernard Calet, Sammy Engramer, Frédéric Tétart, dans le cadre des Initiatives d’Artistes de la Fondation de France, via l’association Eternal Network (Anastasia Makridou Bretonneau). Programmation et mise en ligne réalisées par PIOTTR, Marseille ; recherches et index réalisées par Anne-Laure Even.
Ce travail est né du désir de construire un objet commun qui nous a amené à réfléchir, de fait, aux questions de collectivité et d’échange, de propriété, de territoires, d’architectures, de structures... Prenant pour support et prétexte le remodelage de l’espace urbain, le collectif s’est naturellement tourné vers l’outil Internet, comme extension et analogie de la ville, offrant la possibilité d’un matériau ouvert et malléable, permettant des trajets multiples à l’intérieur d’un espace feuilleté.
Cet outil offrait l'avantage de rester ouvert à des transformations futures souhaitées par le groupe de travail initial, d’être augmenté régulièrement par des extensions nées d’interventions d’artistes invités.
Deux collaborations ont ainsi vu le jour, l’une avec le musicien DJ Olive, l’autre avec le plasticien Thierry Joseph.
Si l’architecture et l’arborescence générale du site et ses modes de circulations internes ont été pensés collectivement, chaque participant au projet avait aussi la possibilité d’intégrer ses propositions personnelles autour des questions de l’espace urbain et de l’architecture. La gageure de cette réalisation était d’éviter de reproduire les modes normatifs de protection des espaces individuels et des savoir-faire, la sclérose et la fixité des espaces et des pouvoirs. Le désir était bien de fonder un espace utopique, virtuel, de matérialiser un mode idéal d’échange du travail et de proposer au visiteur cet espace.

De fait, le site p-o-s proposait une dérive continue, à partir d’interfaces et de cartes changeantes, d’entrées et de sorties multiples, faisant varier les possibilités de parcours, permettant un cheminement ouvert, hasardeux, chaque fois original. Ce chemin accidenté et tronqué, donnant parfois sur des culs-de-sac et des terrains vagues, était équilibré de temps à autre par des aires plus stables contenant des réalisations visibles dans leur globalité (Bernard Calet – Sammy Engramer).
Repoussant l’idée d’un espace personnel, j’ai, avec l’accord des autres participants, tenté pour ma part de trouver un mode opératoire proche de l’effraction et du piratage informatique.
Ce vol consenti permettait de traiter indifféremment la totalité de l’espace et de la matière du site p-o-s, d’en traverser librement les frontières, d’y introduire de la porosité et d’y disséminer des pièges, des virus, qui viendraient perturber le déroulement normal et la fluidité de la visite des "oeuvres".
J’ai fabriqué ces accidents et ces perturbations directement à partir de la matière première du site et des travaux des autres artistes, en m’attachant plus particulièrement à des questions de disparition, d’effacement, de destruction et de réemploi.
J’ai ainsi traité une partie des « pop-up » (fenêtres s’ouvrant grâce à un lien hypertexte et contenant des données) qui donnaient accès au glossaire et aux textes de références contenus dans le site : dès lors que certains liens hypertextes étaient activés à l’aide de la souris, une animation faisait aussitôt disparaître le texte irréversiblement, ne laissant sur place que quelques mots résumant la situation. C’est parfois la fenêtre entière qui venait à disparaître, ou tout l’écran du site, ne laissant alors aucun choix de retour en arrière.
Ailleurs, dans des interfaces contenant des projets virtuels de construction, j’ai joué à inverser le processus qui consiste habituellement, sur les sites dédiés, à voir évoluer les éléments architecturaux étapes par étapes jusqu’à l'état final. En cliquant sur des liens tels que construire le visiteur assistait impuissant à la mise en poudre de tout un bâtiment ou à la mise en pièce des matériaux de l’image, immédiatement récupérés pour construire de nouvelles architectures temporaires et des abris de fortune.
J'ai, enfin, introduit quelques interludes sous la forme de propositions d'aménagement du territoire ou d'animation de lieux symboliques de la Vallée de la Loire.
​
L'architecture était en miette - en 2001, c'était un fait avéré de l'histoire - et la fragmentation le nouveau parangon plastique d'un modèle de société à la fois dévorant et en pleine implosion.
Peut-être était-il temps d’imaginer, à différents niveaux, des systèmes et des structures perméables qui ne soient pas conçues pour durer ? Ils opposeraient utilement à l'esprit de propriété et à la patrimonialisation à outrance des systèmes dynamiques fondés sur la disparition.
Mais l'histoire est ironique et revient régulièrement en arrière - c'est ainsi que ce site Internet a aujourd'hui disparu sous sa forme initiale, d'abord ré-absorbé dans le site Internet d'un des membres du groupe qui s'est octroyé cet espace collectif, puis invisibilisé faute de communauté dans le monde physique pour veiller à sa sauvegarde...