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De 2005 à 2009, nous avons partagé avec la chorégraphe Tal Beit-Halachmi une collaboration de cinq années durant lesquelles, à son initiative et parallèlement à son activité de danseuse avec Bernardo Montet, nous avons créé ou re-créé les spectacles De même que les éléphants (2005), Dalhia Bleu (2006), Dina 1 et 2 (2007), Acoustic pleasure (2008)..., pour lesquels nous nous proposions des espaces, des lumières, des images que je réalisais.

Pour Dina et Dalhia bleu (carte blanche du festival Montpellier danse 2006), Tal nous avait fait plonger dans son histoire personnelle, qui était aussi celle de la danse et de l'histoire d'Israël.

Elle m'a proposé de l'accompagner chez elle, puis à Tel-Aviv pour rencontrer, filmer et interviewer Yehudith Arnon, qui avait été son professeure, fondatrice de la célèbre Kibbutz Contemporary Dance Company dans les années 70 dont elle assura la direction à partir de 1973. La création de cet espace de renouveau et de dynamique pour la danse contemporaine en Israël était le fruit du travail acharné qu'elle avait entamé dès 1946, après avoir survécu aux camps.

C'est pour les scènes de Dalhia Bleu* et de Dina que ces images ont été fabriquées et diffusées, de plain-pied, pour rendre hommage à la présence que Yehudith Arnon n'était plus en mesure d'occuper sur scène ; Tal avait alors imaginé pour elle cette chorégraphie qui tissait des relations avec les autres danseurs et chanteurs présents - image qui nous servait de mesure et de verticalité.

En introduction de Dina, le poème Todesfuge de Paul Celan qu'on peut écouter ici, était diffusé sur une enceinte posée au sol, comme une autre pierre apportée au travail de mémoire.

* Dalhia bleu, production CCNTours-Festival Montpellier Danse 2006 / avec Cécilia Ribault, Fabrice Dasse, Tal Beit-Halachmi et la chanteuse Rola MB. Bakheet / création lumière et scénographie Frédéric Tétart / son et musiques Jean-Jacques Palix

Todesfuge - Paul Celan
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Acoustic Pleasure - CCNT 2008 / Chorégraphie et interprétation Tal Beit-Halachmi / Musique Pascal Maupeu / Lumière, espace, vidéo Frédéric Tétart, à partir des textes de Charles Baudelaire, Adriana Cavarero, Diamanda Gallas

"Sirènes ou Sibylles, toutes deux des voix emblématiques.

D’abord oiseaux, conteuses d’histoires et d’événements importants, les Sirènes ont perdu peu à peu leur parole. Ne devenant plus que belles et sensuelles, leur discours se fait moins clair, il perd son sens, il est articulé de moins en moins, jusqu’à ne plus être qu’un chant inarticulé, proche des cris d’un animal. Dès lors, leur rôle n’est plus le même. Ces monstres, mi-femmes mi-bêtes attirent les regards qui ne peuvent résister. Leurs voix charmantes, envoûtantes, l’absence de leurs discours, en deviennent d’autant plus dérangeantes. Venues des profondeurs, elles appellent l’homme par une promesse énigmatique, vers une mort plaisante, éveillant l’espoir et le désir d’un au-delà merveilleux. Leurs chants imparfaits conduisent le navigateur en direction de l’inconnu. Ce chant ne comporte-t-il pas quelque défaut, pour être si puissant ?

La vocalité n’annule point un discours.
La voix féminine, qu’elle soit portée par un homme ou par une femme, est-elle une manière d’apporter une vision différente des choses, du monde, d’une histoire et d’une époque.

Dans « Le silence des Sirènes », texte énigmatique de Kafka, les Sirènes possèdent une arme encore plus terrible que leur chant : leur silence. Quand les Sirènes voient Ulysse elle ne chantent pas, elles restent silencieuses pour atteindre cet adversaire à moins qu’elles ne soient si fascinées par sa béatitude et sa détermination, qu’elles en oublient de chanter.

Le chant des Sirènes était-il un appel impératif à la présence de l’autre ? La lutte qui se joue entre les Sirènes et Ulysse résonne comme un drame humain – chacun de ces parties veut être tout, veut être un monde absolu, ce qui rend impossible sa coexistence avec l’autre et chacun pourtant n’a pas de plus grand désir que de coexister et se rencontrer.

La Sibylle, figure avec une dimension surnaturelle ou en marge de la nature, plus prophétique, telle celle d’un possédé. Les caractéristiques des Sibylles d’origine sont toujours très actuelles et leurs messages sont apocalyptiques.

Le film du solo de Yehudith Arnon dans le travail, est précieux – sa danse est fondatrice ; elle est pour moi la figure de la Sibylle, celle qui émane de la sagesse divine, aussi vieille que le monde, le symbole même de la révélation. » Tal Beit-Halachmi

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