Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Personne - extrait de la vidéo de l'installation
Le 2 mars à 14h30 et 19h et le 3 mars à 19h - La Fonderie (Le Mans)
Conversation / Exposition collective Germinations X, The Factory, Athènes (1998)
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Conversation (cabines de rencontres) est un dispositif vidéo réalisé in situ exclusivement pour l'espace de l'exposition collective Germination X à la Factory d'Athènes.
Inspiré du canapé du même nom (appelé aussi Confident, voir notes de bas de page), il se compose de deux cabines jumelles abritant chacune un dispositif identique de captation et de projection vidéo : une caméra de surveillance est posée sur un socle et pointée vers un canapé deux places à hauteur du visage - face à ce canapé, un écran accueille une grande image rétro-projetée. Sur l'écran apparaît en temps réel l'image (le visage) des visiteurs qui prennent place face à la caméra dans la cabine jumelle. Chaque cabine reçoit donc l'image de la cabine voisine, en circuit fermé. Le système ne peut fonctionner qu'à partir du moment où au moins une personne est assise et attend qu'une image apparaisse sur l'écran - dès lors, il ou elle devient simultanément le spectateur et le sujet d'une projection. Les cabines étaient installées têtes-bêches au centre de l'espace d'exposition, le son était absent.
Il devenait rapidement évident pour le visiteur qu'il était à la fois le sujet et l'objet d'une exposition, qu'il s'offrait au regard de l'autre en même temps qu'il le regardait. Ce dévisagement mutuel était rendu possible par la séparation physique des deux espaces et par le filtre de la vidéo, qui agissait comme une vitre, la séparation minimale permettant de fixer délibérément un visage, de le contempler librement en acceptant en contrepartie d'être dévisagé.
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C'était l'idée toute morale qui avait prévalu à l'élaboration de la pièce : parvenir à établir un contrat silencieux entre deux inconnus, en installant une double glace sans tain, au travers de laquelle on souhaitait que le voyeurisme soit dissout dans son redoublement, obligeant le spectateur à se montrer voyeur et donc à ne plus pouvoir l'être.
Cette idée voulait substituer, à l'habituelle relation de domination surveillant-surveillé, un espace où les outils de la surveillance seraient détournés en outils d'échange et de communication ; elle voulait permettre aux visiteurs de l'exposition d'en devenir les sujets et de leur rendre cet hommage par le biais de ce dispositif consacré à l'exposition agrandie du visage ; l'espoir était que, depuis ce circuit fermé mettant en contact deux espaces séparés, de cette mise à nu protégée, naîtrait du désir, hors du monde de l'image, une fois le visiteur sorti de la cabine.
Il faut se souvenir que la fin de années 90 semblait encore lentement consciente, parfois amusée, parfois tétanisée par l'arrivée massive d'une forme de chosification : dispositifs de vidéo-surveillances vendus comme la solution à l'angoisse généralisée de l'invisible et de l'envahissement, prémices des télé-réalités observant de vraies personnes comme des rats de laboratoire, fantasmes véhiculés par la révolution du temps réel, construction d'une sexualité vécue à distance sur Internet par webcam interposées..., toutes choses qu'un dispositif artistique, qu'une tendresse attentive portée au visage, ne pouvaient réparer tout à fait.
Très impliquée dans la création du style Napoléon III, l'Impératrice Eugénie, son épouse a des envies de meubles dits "neufs" - que l'on qualifierait de design aujourd'hui. "Alors que la noblesse est affaiblie, c'est la bourgeoisie naissante qui s'enrichit et se meuble aussi", déclare Madame Fremontier, antiquaire parisienne. Afin d'occuper leur temps libre, les bourgeois développent une autre manière de vivre et de recevoir, tournée vers les conversations utiles, comme futiles. C'est ainsi que vont naître les confidentes, ou siège confident : une "assise féminine typiquement bourgeoise et propice aux causeries." Révolution industrielle oblige, ce ne sont plus des ébénistes qui conçoivent les modèles mais des ouvriers, réunis dans les ateliers du Faubourg Saint-Antoine. De cette fabrication 100 % française, si ce n'est parisienne vont naître des châssis réalisés en bois tendres, comme le pin. Vendus sur catalogue, ces derniers sont ensuite tapissés au goût de leur futur propriétaire avec des tissus capitonnés, la soie en tête. Terminés par des pieds en toupie faits de bois noirci et le plus souvent montés sur roulettes, les confidents se déplacent au gré des envies.
Julie Guillermet, Le journal des femmes-Déco
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Il sera peu à peu remplacé par L'indiscret, fauteuil à roulettes à trois places qui permet à un tiers d'écouter ou d'intégrer la conversation des deux premiers - que nous sommes portés, quant à nous, à considérer comme le lieu mobile d'une mise en réseau d'affaire ou d'affection.